mardi 21 septembre 2010
Une stèle à la mémoire du père Martin
Il fait très beau, au Tévelave, en ce matin du dimanche 22 Août 2010. Quelque cinquante personnes , venues des différents quartiers de la commune, se sont rassemblées au lieu dit « la Chapelle » pour assister à l'inauguration de la stèle dédiée au Père Martin, curé de la paroisse des Avirons de 1879 à 1884 . Sont également présents Madame Paule Delmas, historienne, et le comité dévoué à la mémoire du Père Martin. En bordure de la route du Tévelave, adossée à un mur de moellons, la stèle affronte, pour l'éternité, l’époustouflante beauté du panorama des Avirons et de l'Etang-Salé.
En début de cérémonie, le Père Bernard Antaya prononce ces quelques mots:
« Aujourd’hui, 22 Août 2010, nous officialisons cet évènement, première étape pour ensuite permettre la vraie réhabilitation et continuer dans le sens des œuvres du père Martin. IL a œuvré pour la solidarité et la défense du pauvre. Cette plaque commémore la vie du Père Martin qui s’est réfugié en ce lieu dit la Chapelle. Dans cet espace se trouve une grotte où à un moment donné de sa vie il s’est retiré pour terminer ses jours… »
Puis, Madame Paule Delmas retrace la vie du Père Martin.
« Nous sommes ici pour honorer la mémoire du père Martin. Octave Auguste Martin est né le 12 Août 1840 à Issoudun (diocèse de Bourges, Département de l’Indre) de Marguerite Bernard et d’Etienne Martin. Après ses études au séminaire de Bourges, il est ordonné prêtre le 10 juin 1865. Il arrive dans l’île de la Réunion, muni d’une simple lettre de son évêque, le 5 Décembre 1876. En poste à Saint-Paul, puis à Saint-Denis, Monseigneur Clément Soulé le nomme, le 22 avril 1879, à la paroisse ND des Avirons, en remplacement du père Hersent.
C’est un prêtre actif. Il continue l’œuvre du père Hersent en créant trois confréries : le Sacré Cœur de Jésus, l’Immaculée Conception et le Saint Scapulaire du Mont Carmel. Il crée aussi trois sociétés pour aider les pauvres : Saint Vincent de Paul, ND du bon secours, Saint François Xavier. Il réalise ainsi le souhait de sa mère : « Aller consoler ceux qui étaient dans la peine »
Il achète plusieurs terrains et construit des chapelles, voulant rapprocher les fidèles des lieux du culte. La plus connue, celle qui reste dans le cœur des paroissiens, est celle qui était bâtie ici au Tévelave, là où il y a la grotte dite : «La grotte du Père Martin »
Il y avait 2 entrées dans cette grotte, ce qui facilitait les processions que le père organisait régulièrement. Ces chapelles ont été détruites 2 ans après sa mort.
Prêtre zélé, Il applique à la lettre les enseignements de l’église. Il baptise les affranchis et les engagés. Mais, à partir de ce moment, ces nouveaux baptisés vont refuser de travailler le dimanche, ce qui va commencer à déplaire aux familles qui les employaient. C’est un prêtre qui dénonce le vice, le vol, les fortunes mal acquises. Certaines familles se sentent visées dans la paroisse et la première plainte arrive à l’évêché dés 1882, suivie d’autres.
En Mars 1884, l’évêque Mg Coldefy, hors de la colonie, est remplacé par le vicaire général Chalvet. Celui-ci ne connaît pas très bien la situation dans l’île, et surtout aux Avirons.
Il prend fait et cause pour les grandes familles. En Mars 1884, un baptême qui devait se dérouler le matin est reporté l’après midi ce qui déplaît au vicaire général qui perd patience et ordonne au Père Martin d'effectuer une retraite.
Le père Martin, soutenu par la population, refuse. Un remplaçant est déjà nommé, il s’agit du père Paillard. Le père Martin se rebelle, ne part pas et préfère se faire arrêter dans l’église qui avait été fermée par le Maire (à cette époque, il n'y a pas de séparation de l'Eglise et de l'Etat; l’église dépend étroitement de l’Etat, de la colonie) Le vicaire général prend peur: on craint des troubles de la part des paroissiens qui en veulent au père Martin. Celui-ci effectivement casse la porte de l’église pour faire sa messe. Il est arrêté, fait 2 mois de prison à Saint-Pierre.
A sa sortie, le vicaire général est obligé de lui donner un poste à Saint-Paul, dans la chapelle des anges au bout de l’Etang. Il y reste jusqu’au 16 février 1885. Il reçoit une lettre au mois de janvier lui signalant qu’il ne fait plus partie des prêtres du diocèse, qu'il n’a plus le droit de célébrer la messe, même dans sa chapelle privée.
Il refuse et revient s’installer au Tévelave au lieu dit la Chapelle puisqu’il y avait sur ce terrain une petite maison. C’est dans cette petite maison qu’il meurt le 6 janvier 1888 .Il est enterré aux Avirons dans une fosse commune.
En 1938, 50 ans plus tard, le père Bruyère demande le transfert de sa dépouille vers l’église des Avirons où reposent les autres prêtres de la paroisse, soutenu par la souscription des paroissiens et d’une grande famille de Saint-Pierre.
Sur proposition de Mme Perret Forcade Nadia, le comité à accepter à l’unanimité ce projet.
Cette plaque commémorative montre l’attachement des paroissiens à ce père qui, officiellement, n’a travaillé que 5 ans aux Avirons mais y a laissé beaucoup de traces.
J’espère que les familles vont pouvoir faire la paix avec leur conscience. Père Martin a toujours béni et pardonné de son vivant tous ceux qui lui ont fait du tort. Depuis sa mort, il continue à faire le bien que ce soit ici ou ailleurs. De nombreux pèlerins viennent sur sa tombe et obtiennent des grâces. J’espère que cela va clore définitivement le malaise qui règne toujours, 125 ans après, dans cette paroisse ».
Les objets du père Martin ont été distribués avant et après sa mort.
Mme Delmas cherche à retrouver ces heureux héritiers pour faire des photos de ses objets et alimenter ses recherches (statue, vase à fleur, une table, papiers, documents…).
Le père Antaya conclut : « Le malaise, c’est la malédiction, il n’y a pas de malédiction… Les familles doivent honorer Père Martin comme un prêtre qui a œuvré pour le bien. Quand je célèbre la messe je dis le « Bon père Martin » C’est un bon prêtre qui avait son tempérament, sa manière de voir les choses et qui a combattu surtout l’injustice. Il y a des personnes qui n’ont pas bien compris ça et l’ont un peu malmené. Le père Martin a été fidèle à sa vocation de prêtre, au service du peuple. Il faut resituer tout cela dans le contexte de l’époque. »
Le père Antaya propose de créer une association pour poursuivre le travail engagé par le comité dévoué à sa mémoire.
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